Les troubles du comportement alimentaire




Les TCA, c’est quoi ?
Les troubles du comportement alimentaire ou troubles des conduites alimentaires (TCA) sont une pratique alimentaire « anormale » associée à une grande souffrance psychique, qui s’installe durablement et dont les conséquences pour la santé de l’individu peuvent être graves. Ce sont des maladies psychiatriques fréquentes qui ne doivent pas être confondues avec une perte d’appétit, du grignotage ou des restrictions alimentaires liées à un régime, par exemple. Médicalement reconnus, ces troubles sont potentiellement mortels et nécessitent une prise en charge multidisciplinaire adaptée.
Le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5) reconnaît trois troubles alimentaires fréquemment diagnostiqués chez les adolescent·e·s et adultes : l’anorexie mentale (AM), la boulimie (B) et hyperphagie boulimique ou binge eating disorder (BED).
L’anorexie mentale touche environ 1% des femmes et 0,3% des hommes ; Environ 10 % des patients souffrant d’anorexie en décèdent.
La boulimie touche 1,5% des femmes et 0,5% des hommes ;
L’hyperphagie boulimique concerne environ 3% des femmes et 1,5% des hommes.
Les TCA concernent près d’un million de personnes en France.
De surcroît, les formes moins typiques sont nombreuses.
Ce sont des maladies mal connues, qui sont source de complications parfois très graves.
L’anorexie mentale, c’est quoi ?
L’anorexie mentale la plus classique est celle de la jeune fille entre 12 et 18 ans. Mais il existe des formes prépubères, qui surviennent avant l’apparition des premières règles, et des formes qui débutent à l’âge adulte.
0,5 à 1% des adolescentes sont anorexiques
9/10 sont des filles
Pour faire le diagnostic d’anorexie mentale, on recherche essentiellement trois critères :
- Unamaigrissement de plus de 15% du poids initial et/ou un indice de masse corporelle (poids en kg/taille en m au carré) inférieur à 17,5.
- Une anorexie, une « perte de l’appétit »qui se traduit plutôt par une lutte active contre la faim et un évitement de tous « les aliments qui font grossir », fréquemment associée à d’autres manifestations qui ont toutes pour but de perdre du poids (hyperactivité physique, vomissements provoqués, utilisation de médicaments, etc…)
- Uneperturbation de l’image corporelle, dans laquelle la personne ne perçoit plus sa propre maigreur, associée à une obsession du poids et une peur panique de grossir.
L’anorexie mentale est la maladie psychiatrique ayant le taux de mortalité le plus élevé.
La boulimie, c’est quoi ?
L’âge habituel de survenue de la boulimie se situe entre 18 et 20 ans. Le plus souvent il s’agit de jeunes filles ; la boulimie masculine est plus rare.
Les symptômes boulimiques, comme les symptômes anorexiques, sont sous-tendus par l’insatisfaction corporelle et la peur de grossir. Mais si dans l’anorexie domine la restriction, dans la boulimie il y a perte de maîtrise.
Très souvent on retrouve dans les antécédents d’une personne qui souffre de boulimie un épisode anorexique, qui a pu passer inaperçu.
3 à 12% des adolescentes sont boulimiques
Pour faire le diagnostic de boulimie, on recherche essentiellement trois critères :
- la crise de boulimie elle-même, c’est à dire l’ingestion d’une grande quantité d’aliments dans un temps assez court, qui s’accompagne d’une perte de contrôle sur la prise alimentaire . Cette crise se déroule souvent en cachette, accompagnée de sentiments de honte et de culpabilité; Et il faut au moins une crise par semaine, jusqu’à plusieurs par jour sur une durée d’au moins 3 mois.
- Un ou plusieurs comportements compensatoirespour prévenir la prise de poids (exercice physique excessif, période de jeûne, vomissements provoqués, prise de médicaments…);
- Comme dans l’anorexie, il y a une préoccupation excessive pour le poids et l’apparence corporelle, avec un déficit de l’estime de soi.
Au niveau organique, la complication la plus fréquente est une baisse du potassium sanguin, avec un retentissement cardiaque. On note également la survenue de problèmes dentaires et oesophagiens, et une augmentation caractéristique du volume des glandes parotides. Un suivi médical somatique rigoureux est indispensable pour le dépistage et le traitement de ces complications.
L’hyperphagie boulimique, c’est quoi A ne pas confondre avec le fait de se resservir ou les grignotages
C’est une crise de boulimie sans comportements compensatoires pour prévenir la prise de poids et qui s’accompagne souvent d’obésité. L’âge moyen de début du trouble est de 21 ans. Le plus souvent il s’agit de jeunes femmes, mais l’hyperphagie boulimique peut également toucher les hommes.
20% des personnes en surpoids souffrent d’hyperphagie.
Pour faire le diagnostic d’hyperphagie boulimique, on recherche essentiellement trois critères :
- des crises de boulimie, au moins une fois par semaine et souvent beaucoup plus pendant au moins 3 mois
- les crises surviennent en l’absence d’une sensation physique de faim, se déroulent rapidement jusqu’à une sensation pénible de distension abdominale, et sont suivies de sentiments de dégoût de soi, dépression ou culpabilité
- il n’y a pas de comportements de contrôle du poids visant à compenser les prises excessives de nourriture
Les signes d’appel devant faire penser à une hyperphagie boulimique sont : une prise de poids importante, une personnalité impulsive.
Les autres troubles des conduites alimentaires
Le trouble des conduites alimentaires non spécifié
Le trouble des conduites alimentaires non spécifié est un diagnostic du DSM-5 utilisé pour qualifier toutes les problématiques qui ne répondent pas précisément aux critères des troubles du comportement alimentaire spécifiques, tels que l’anorexie mentale, la boulimie et l’accès hyperphagique. Les médecins peuvent l’utiliser par exemple lorsqu’ils ne disposent pas de toutes les informations nécessaires pour évoquer un diagnostic précis de TCA.
Les fringales de sucre : on peut parler d’addiction au sucre si on en réfère aux travaux de laboratoire sur des souris cocainomanes Environ 80 % des rats préfèrent de l’eau au goût sucré (édulcorant ou sucre naturel) plutôt que de la cocaïne, même s’ils ont été sensibilisés à cette drogue durant des semaines en se l’auto-administrant.
(voir les travaux de l’équipe de Serge Ahmed à Bordeaux
Mais l’affirmation selon laquelle le sucre provoquerait une addiction supérieure à celle de la cocaïne est très loin de faire l’unanimité au sein de la communauté scientifique.
Le grignotage pathologique :
Ingestion de petites quantités sans s’en rendre compte ( par exemple devant la TV) peut devenir compulsif, on se lève pour rechercher de la nourriture. C’est une forme d’hyperphagie atypique.
Le mérycisme
Il se caractérise par des cycles répétés au décours d’un repas de régurgitations provoquées du contenu gastrique suivies d’une mastication, puis ingestion, sans sentiment de dégout.
Le Pica
Il s’agit de l’ingestion prolongée (plus d’un mois) de substances non comestibles et non nutritives (terre, argile, craie, poussière, pierres, cailloux, plomb, écaille de peinture, cheveux, …).
La noctophagie
Il s’agit d’une prise alimentaire non contrôlée, excessive, pendant la nuit. L’individu se réveille pour aller manger copieusement. Il va ainsi manger rapidement, de manière compulsive, sans être capable de refréner cette envie avec parfois le souvenir imprécis de ce qu’il a consommé. Le diagnostic d’hyperphagie nocturne est posé lorsque cette conduite alimentaire survient plus de deux fois par semaine, pendant au moins six mois.
La potomanie
La potomanie est un trouble du comportement alimentaire qui se définit par un besoin irrépressible de boire en grande quantité, principalement de l’eau (polydipsie) ou de l’alcool (dipsomanie). Les personnes atteintes de potomanie peuvent boire jusqu’à 10 litres par jour, voire davantage.
Ce trouble alimentaire s’inscrit dans une volonté de se purger, se purifier, se nettoyer. Il peut également avoir pour objectif de se remplir l’estomac au maximum et être associé à une anorexie mentale. Dans ce cas-là, boire en grande quantité sert à supporter la sensation de faim.
L’orthorexie ou « addiction à la nourriture saine »
C’est une recherche obsessionnelle de la nourriture parfaite.
Conclusion
Les TCA les plus fréquents sont les troubles compulsifs (hyperphagie boulimie typique ou atypique, NED, grignotage), suivis par les troubles boulimiques (boulimie typique et atypique, Pica) et les troubles restrictifs (AM typique et atypique, sélectivité alimentaire, conduites de purge)
Pourquoi certaines personnes souffrent de TCA ?
Les origines d’un TCA sont rarement uniques et sont étroitement liées à l’histoire personnelle, les facteurs génétiques et biologiques, à des éléments psychologiques, à l’environnement familial et au cadre social de la personne concernée. Il s’agit donc d’éléments multifactoriels
On parle de facteurs de risque et de vulnérabilité, d’éléments déclencheurs ou qui entretiennent les troubles.
On pourrait parler de facteurs biopsychosociologiques pour résumer les causes des TCA
Souvent, cela commence avec une volonté de perdre quelques kilos et le piège se referme sur l’adolescente. Le manque de confiance en soi, la faible estime de soi, la trop grande sensibilité au regard des autres, mais aussi les moqueries à l’école comme à la maison. On retrouve fréquemment des évènements traumatiques de type abus sexuel ou autre forme de violence. Les réseaux sociaux et le culte du corps ont grandement favorisé les TCA. Par ailleurs, l’adolescence est en soi une période fragilisante.
Le stress de la vie aggrave les TCA mais de manière plus fréquente, engendre l’alimentation dite émotionnelle qui vient en réponse à une émotion forte négative comme positive sans sensation de faim et qui favorise le surpoids et l’obésité.
Une conception pluridisciplinaire des soins
Si la priorité reste la lutte contre la dénutrition, le corps seul ne peut être pris en compte, l’esprit a besoin d’être soigné.
L’approche pluridisciplinaire est recommandée dès lors que la personne a reconnu sa maladie. Approche à la fois, médicale et paramédicale, nutritionnelle et psychologique voire psychiatrique.
Des groupes de soutien pour les patients ainsi que pour la famille existent.
Le médecin traitant et l’entourage sont souvent les premiers lanceurs d’alerte. L’hospitalisation est parfois nécessaire.
Pour aller plus loin et en savoir plus sur la prise en charge des TCA :
Le site FFAB constitue un portail clair des différentes structures TCA du territoire (adulte et enfants/adolescents, publiques et privées).
L’association Réseau des Thérapies des Troubles Alimentaires ARTTA (Strasbourg et Colmar)
Il existe également une permanence téléphonique « Anorexie Boulimie, Info écoute » .
Comment sortir de l’anorexie Dr Y. Simon,Dr F. Nef Ed Odile Jacob
Comment sortir de la boulimie et se réconcilier avec soi-même Dr Y.Simon et Dr F.Nef Ed Odile Jacob
Guide de pratique et le traitement des TCA avril 2015 (version abrégée Goulet J avec la collaboration de Chaloult L et Ngô T.L.
Boulimie et hyperphagie boulimique : Repérage et éléments généraux de prise en charge HAS – Recommandation de bonne pratique – Mis en ligne le 12 sept. 2019